Helga Melvany
Oui, je sais que j’abuse avec la longueur de mes backgrounds. Si vous n’avez pas le temps de lire, passez à un autre personnage, par exemple.
Helga est née le 10 septembre 1898 dans le village de Dunakiliti, un des plus modestes en taille du comitat de Sopron, situé dans l’extrême nord-ouest de la Hongrie, à proximité de la frontière autrichienne. Ce territoire a toujours été bilingue : les gens s’y expriment en hongrois autant qu’en allemand.
Troisième enfant d’une famille paysanne honorablement connue, les Tolna, elle passa les premières années de son enfance dans une atmosphère relativement calme et heureuse, rythmée par les travaux des champs, du printemps à l’automne, par quelques excursions au lac de Fertö, où Helga et ses deux frères aînés s’amusaient au milieu des roseaux pendant les chaudes heures de l’été, et par la classe du curé lors de l’hiver, de novembre à mars.
La mère d’Helga mourut en couche au printemps 1902, lors de la naissance du quatrième enfant, qui ne survécut pas non plus. Le père d’Helga pleura quelques temps sa femme puis se remaria en 1906, nécessités de la ferme oblige, et la belle-mère, après avoir mis au monde deux jumeaux, prit vite l’habitude de commander. Houspillant sans cesse les enfants du premier lit pour leur appétit, leur paresse, leur insolence, elle insinua, phrase après phrase, dans l’esprit de son mari qu’avec cinq enfants à charge à la maison, la subsistance de la famille était en danger. Ceux-ci lui rendirent sa bonté en la surnommant la Baba-Yaga. Il y eut une guerre continuelle entre les enfants et la marâtre, qui insista pour faire louer les plus grands comme journaliers, à l’exemple d’autres familles du canton. Le père, lassé des cris et des plaintes continuelles de sa femme, céda : Helga et ses deux frères furent placés en 1910 comme valets et servante dans des exploitations des environs.
La jeune fille eut à peine le temps de réussir son certificat d’études primaires, après que père Jakuvic eut arraché de haute lutte l’autorisation parentale de lui faire passer l’examen. Le curé insistait beaucoup pour qu’Helga vienne en classe : comme elle était l’une des plus douées, elle pouvait le seconder efficacement dans la répétition des leçons des plus petits, et il avait également besoin d’une aide compétente pour le classement des feuillages, plantes et autres fleurs dont le faisait la collecte. Le père Jakuvic caressait en effet l’espoir de présenter un jour le résultat de ses recherches sur la flore des milieux lacustres à la société savante de botanique de Budapest. Le père ne voyait pas en quoi savoir lire aurait pu avantager sa fille lors du glanage ou du lessivage des habits des patrons et pensait même que un fermier aurait pu trouver cela déplacé chez une journalière. La marâtre cachait à peine sa jalousie. Le curé eut le dernier mot, mais il ne put éviter son placement dans une ferme.
Helga devint ainsi à 13 ans petite servante dans un riche domaine agricole des environs de Csorna, gagnant en un trimestre à peine de quoi subvenir à ses propres besoins. Helga travaillait toute la journée, et sa silencieuse compétence n’avait pu que lui procurer la protection d’une ou deux servantes plus âgées qu’elle.