Liminalité
Guerrier de glace
Helga aussi bien que ses compagnons restent un instant interdits devant cette question qu’ils ne comprennent pas. L’homme se contente d’afficher un sourire narquois. Il semble connaître Helga, même si l’inverse n’est pas vrai, et lui demande ensuite si elle cherche là qui a tué Jakob. Ces paroles ne font bien entendu que fâcher Helga. Lorsque l’inconnu exige ensuite qu’elle lui dise où se trouve “l’Opale d’Anubis”, la Verbena ne daigne même pas lui répondre, et s’éloigne.
L’homme dit s’appeler Grygor, et affirme qu’Helga aura tôt ou tard cet objet, si elle ne l’a pas déjà en sa possession, car elle “ne laissera pas passer cette chance de venger son époux”. Devant la froideur de la jeune femme et l’ignorance qu’affichent Jan et Irena au sujet de l’objet convoité, l’attitude du dénommé Grygor change du tout au tout. Il fait volte-face; le corbeau sur son épaule s’envole dans un lourd souffle de vent, emportant avec lui ce qui n’était en fait pas le véritable Grygor, mais une simple projection visuelle. C’est à ce moment qu’un autre tourbillon apparaît non loin d’Helga; à sa vue, l’Akashite et l’Hermétiste se précipitent vers la Verbena, face à laquelle le tourbillon a soudain pris la forme d’une colonne dotée de pseudopodes.
La neige qui tombe doucement s’accumule de plus en plus vite sur cet étrange construct d’air, jusqu’à former un bras de glace qui vient frapper Helga, l’envoyant au sol, avant de se transformer en sabre. Mû par des réflexes foudroyants, Jan s’attaque alors à la chose, mais ses coups, bien que faisant mouche à chaque fois, n’ont a priori pas d’effet. Peu apte à se lancer elle aussi au corps à corps, Irena s’éloigne de quelques pas pour tenter d’analyser la composition du sort ayant fait apparaître l’élémentaire d’air et de glace. Le bras à présent bloqué par la créature, Jan continue de frapper, insufflant son énergie magyque à ses coups; Helga, quant à elle, agrippe le bec-de-gaz le plus proche et s’en sert comme point focal pour invoquer un esprit du feu. Bientôt, une lanière de flammes échappe au lampadaire pour s’attaquer à l’élémentaire, qui détourne temporairement son attention de Jan. Irena, elle, poursuit son rituel, mettant peu à peu à jour les traces de ce qui semble alimenter l’existence de l’être de glace.
Feu et eau s’affrontent à présent; des lumières commencent à s’allumer aux fenêtres du quartier, et des voix résonnent plus loin dans l’une des rues adjacentes. Helga crie à ses compagnons de s’enfuir, mais leur attaquant semble bien décidé à se charger d’eux dès qu’il aura mis fin à l’esprit du feu invoqué. Irena parvient enfin à trouver la source du sortilège: une petite figurine taillée dans un matériau blanc, presque invisible dans la neige, et dont le visage sculpté ressemble beaucoup à celui qui s’est formé sur l’élémentaire. Lorsque l’Hermétiste lance les forces de l’Entropie à l’assaut de la source pour la détruire, la créature commence à se désagréger, laissant ainsi le champ libre à Jan, Helga et à l’esprit du feu; l’être de glace est finalement défait grâce aux efforts combinés des deux mages, et tout ce petit monde s’empresse de vider les lieux lorsque des silhouettes apparaissent au coin de la rue, craignant d’avoir affaire à la maréchaussée ou à pire encore. Irena récupère au passage la statuette blanche, et ils se réfugient tous trois dans une ruelle obscure, juste à temps pour ne pas être découverts par une patrouille de nuit.
Retour au palais
La figurine semble totalement inoffensive, à présent que le lien avec son créateur Grygor a été brisé. Irena, à qui elle a laissé une étrange impression de déjà-vu, ne cesse de l’examiner, jusqu’à découvrir sur son socle une rune, Beorl, symbole lié à la vie. Helga réalise alors que la statuette est taillée dans de l’os. Jan, lui, confie à ses compagnes qu’il se pourrait fort bien que Grygor soit après lui, car ce qu’il n’a pas révélé auparavant, c’est que Cassandra l’a envoyé à Vienne récupérer un objet portant exactement ce nom d’Opale d’Anubis. D’hypothèses en hypothèses, il apparaît qu’Helga posséderait peut-être cette Opale, mais sous un autre nom ou une apparence insoupçonnée. Attendant que l’agitation régnant dans le quartier de la cathédrale se soit légèrement calmée, les trois Mages regagnent ensuite à pied le palais Melvany.
Dans le petit salon, utilisant une table protégée par des glyphes, le petit groupe tente une fois encore d’en savoir plus sur la mystérieuse statuette. Celle-ci ne contient aucun piège magyque, et servait de toute évidence d’intermédiaire seulement. Son socle dévissé révèle une cavité contenant une poudre noirâtre aux relents de brûlé, que Helga identifie comme étant du sang coagulé et pulvérisé. Irena réalise enfin pourquoi l’objet lui semblait si familier: le sort employé par Grygor est très similaire à un rituel tombé en désuétude, dit de la Dent du Dragon. Dans les temps anciens, ce sort était lancé en plantant des dents de dragon dans le sol, d’où sortaient ensuite de féroces guerriers, et il ne s’agit pas que d’une simple légende, car il a effectivemen été déjà pratiqué. Ce rituel pourrait de plus fort bien être d’origine hermétiste, puisque c’est dans un ouvrage de sa Tradition que la Fortunae l’a vu mentionné, des années auparavant.
La discussion se fait plus tendue lorsqu’elle en vient aux événements de la nuit. Irena persiste à affirmer que si Cassandra désire l’Opale, ce n’est pas dans des buts malhonnêtes. Helga se demande bien pourquoi ce Grygor, suffisamment puissant pour employer un rituel aussi ancien et complexe que celui de la Dent du Dragon, ne peut pas mettre la main par lui-même sur cet objet ou Talisman, quel qu’il soit. En définitive, la Verbena de plus en plus agacée annonce à Jan qu’elle exige une confession écrite et signée de sa part le lendemain, afin de tirer au clair les buts de l’Allemand et s’assurer qu’elle peut lui faire confiance; puis, l’épuisement se faisant de plus en plus sentir, tous décident d’aller se coucher et d’analyser tout cela à tête reposée le lendemain.
Une bien troublante prophétie
Au matin, après un petit-déjeuner pris dans la morosité, Helga vient chercher Jan pour extirper de lui sa confession. Ils se retirent tous deux dans un bureau à l’étage, et bien que cet échange verbal se révèle au départ houleux, la Verbena accepte finalement les “aveux” de Jan et consent à croire qu’il ne fait qu’obéir aux ordres de son commanditaire et n’a pas d’intentions néfastes envers elle-même, son personnel ou son autre invitée. Elle exige tout de même qu’il renonce à voler l’Opale si jamais ils devaient la trouver, et il semble finalement que Jan lui-même, face à de tels mystères ainsi qu’aux dangers qu’ils pourraient impliquer, n’a plus foncièrement hâte de remplir son contrat. Lorsqu’il décrit à Helga l’objet à récupérer (un pendentif circulaire avec une petite opale en son centre, et marqué d’un large cercle de métal gravé de symboles astrologiques), tous deux se rendent bien compte qu’il s’agit là du même pendentif qui se trouvait représenté sur la statue de l’ange…
Irena se charge pendant ce temps de traduire les notes en hyperboréen qu’elle est parvenue à prendre la veille. Après une tentative fort infructueuse résultant en un encrier renversé directement sur la traduction et en une bordée de jurons en néerlandais qui plongent Jan, Helga et Wilhelm dans la perplexité tant ils ont résonné dans le couloir tout entier, la Fortunae parvient à ses fins. C’est emplie d’excitation qu’elle communique ensuite le résultat de ses efforts à ses deux compagnons, car les paroles de l’ange forment de fait une surprenante prophétie qui ne cessera pas de se prêter à bien des interprétations:
En quête du Dragon du Crépuscule
L’homme sans ombre est parti
Sans espoir de retour.
Dévorée par la curiosité
Et le chagrin,
La sombre reine Helga
Rassemble son armée.
Balder, messager d’une lumière éteinte
Nott, égérie d’une époque qui la rejette
Ainsi que Hoenir, témoin d’un drame millénaire,
La recherchent sans le savoir.
La Pénombre abominable s’étend sur le monde
Et bientôt, même le gardien d’Elysion tombera.
Le lac d’Alba se mettra à bouillir,
Et le dernier rejeton d’Ygg brûlera.
La venue du Miroir des Âmes sera le premier signe.
La mort des Archontes le dernier.
Ne pleurez pas le départ
De cet être indigne
Certaines choses ne peuvent être changées.
Si les trois mages ne savent pour le moment tout ce qui est concerné par ce texte étrange, il ne fait aucun doute que ses références à la mythologie nordique et au Ragnarok (c’est après tout la mort du dieu Balder, tué par Loki, qui devrait déclencher ce dernier) ne sont pas des plus rassurantes. De plus, l’allusion à Helga elle-même pourrait fort bien impliquer le fait que ses deux compagnons font eux aussi partie de cette même prophétie.